Cholestase gravidique : prise en charge en 2007
Bruno LANGER
Département de Gynécologie-Obstétrique
Hôpital de Hautepierre
Strasbourg
La cholestase gravidique est la plus fréquente des hépatopathies gravidiques du 3e trimestre. Sa fréquence est inférieure à 1/100 en France et dans les pays occidentalisés, mais atteint 15% au Chili. La cause exacte de la cholestase gravidique est inconnue. Des facteurs génétiques expliquent la survenue de cas familiaux et l’incidence élevée de la cholestase gravidique chez les Indiennes au Chili. Le rôle des oestrogènes et de la progestérone est aussi bien établi : ils diminuent le pouvoir solubilisant de la bile et ralentissent son débit.
Elle se caractérise par un prurit à début distal, surtout nocturne, touchant plutôt la multipare âgée en hiver. La sévérité du prurit n’est pas corrélée au pronostic fœtal. Dans 20 à 75% des cas, un ictère apparaît 1 à 4 semaines après le prurit et, dans 60% des cas, des télangiectasies ou un érythème palmaire. Il existe parfois une stéatorrhée subclinique. Toute cette symptomatologie disparaît en 1 à 2 jours après l’accouchement. Elle récidivera dans 40 à 60% des cas lors d’une grossesse ultérieure.
Sur le plan biologique, il existe dans 60% des cas une augmentation des transaminases (valeur moyenne 120-140 U /l) et dans 25% des cas une augmentation de la bilirubine. Dans 90% des cas, il existe une augmentation des sels biliaires sanguins (valeur moyenne 50 µmol/l). Ce dernier signe est le plus spécifique de cette affection. Un bilan étiologique est indispensable, afin d’éliminer d’autres pathologies. Il comprend :
- l’échographie hépatobiliaire
- les sérologies virales : virus des hépatites A, B, et C, CMV, herpès
- la recherche d’un médicament hépatotoxique pris dans les jours précédents le prurit
- la recherche de lésions dermatologiques suspectes pouvant évoquer d’autres pathologies dermatologiques fréquentes pendant la grossesse : PUPP...
Deux complications guettent la grossesse compliquée de cholestase :
- l’accouchement prématuré
- la mort in utero (MIU).
Dans l’importante série de Williamson, tous les accouchements ont lieu avant terme. Plus le prurit apparaît tôt et plus la prématurité est grande. Les MIU surviennent en général dans un contexte de liquide méconial. Surtout, l’enregistrement du RCF peut être normal quelques heures avant l’accident. Les examens dopplers comme le poids de naissance sont également normaux.
Glantz a montré que la fréquence de ces complications (liquide méconial, accouchement prématuré et MIU) est proportionnelle au taux d’acides biliaires (>40µmol/L) et Williamson a observé que, dans les grossesses uniques, la quasi-majorité des MIU survenait après 37 semaines.
De nombreux traitements ont été proposés pour cette affection. Le Questran® a longtemps été la traitement de référence. Pourtant, il ne fait pas diminuer de façon significative le taux d’acides biliaires. L’acide ursodésoxycholique (Delursan® ou Ursolvan® à 600 mg -1g/j) fait chuter le taux des acides biliaires et améliore efficacement le prurit. Plusieurs études randomisées ont montré l’efficacité de ce traitement par rapport au Questran® ou à un placebo. Une étude a tenté de montrer que l’acide ursodésoxycholique permettait de réduire de façon significative les complications périnatales. Elle a échoué en raison d’un nombre d’inclusion insuffisant.
Actuellement, la meilleure prise en charge de la cholestase gravidique associe un traitement efficace du prurit et de l’élévation des acides biliaires par l’acide ursodésoxycholique. Un déclenchement systématique de l’accouchement dès 37 semaines devrait permettre de réduire les MIU.
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Stratégie thérapeutique en cas de cholestase gravidique au 3ème trimestre :
- hospitalisation, acide ursodésoxycholique (Delursan® ou Ursolvan® à 600 mg -1g/j)
- bilan biologique hépatique complet avec sels biliaires 2 x / semaine
- 1 RCF/j
- 1 échographie obstétricale / 15j : croissance, vitalité, doppler
Si situation stable après quelques jours :
Hospitalisation à domicile, 1 RCF/j, Bilan hépatique 2 x / semaine, échographie /15 jours
Déclenchement à 37SA
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Bibliographie.
- Williamson C et coll. BJOG 2004 ; 111 : 676
- Glantz A et coll. Hepatology 2004 ; 40 : 467